Ryadh Salihin

Le Jardin des Vertueux


 

Sommaire | Chap. 15 | 256. Les cas où médire est toléré

Commentaire de Nawawi :

Al-ghiba est le fait de dénigrer quelqu'un en son absence. Il se distingue de la calomnie (namima) par le fait que les propos tenus sont véridiques alors que la calomnie est une accusation mensongère. Médire consiste à dire du mal de quelqu'un sans aller contre la vérité.

Sache que la médisance (al-ghiba) est permise pour parvenir à un objectif valable et légal qui ne pourrait être atteint autrement. Il y a six cas où cela est admis :

Le premier : la dénonciation. Il est permis à la victime de se plaindre à l'autorité compétente, au juge ou à toute personne qui, grâce à sa fonction, pourra lui rendre justice. Ainsi, la victime dira : « Untel s'est montré injuste envers moi. »

Le deuxième : Lorsqu'on recherche un soutien pour faire cesser quelque chose de répréhensible et afin de ramener le fautif à la raison. On dit alors à celui dont on recherche le soutien : « Untel a fait telle chose, réprime-le pour cela ! » Son but est donc de faire cesser cette chose répréhensible, mais si ce n'est pas son but, il lui est alors interdit d'agir ainsi.

Le troisième : quand on veut obtenir un avis juridique. On demande alors au mufti : « Mon père ou mon Frère ou mon épouse (ou mon époux) a été injuste à mon égard. A-t-il le droit d'agir ainsi ? Quelle est la solution à mon problème ? Comment recouvrir mon droit et repousser l'injustice? », ou quelque chose de semblable. Cela est donc autorisé en cas de nécessité, mais il est préférable de dire : « Que dis-tu de quelqu'un qui agit de telle manière ? » Ainsi le but est-il atteint sans avoir à nommer expressément la personne. Cependant, il est permis de désigner la personne comme l'atteste le hadith que nous allons mentionner plus loin, si Dieu le veut.

Le quatrième : quand on veut mettre en garde les musulmans et les conseiller. Cela peut prendre différents aspects : tout d'abord, quand il s'agit de déprécier le témoignage d'un transmetteur de hadith ou d'un témoin douteux. Cela est admis de manière unanime par les [savants] musulmans ; c'est même une obligation si cela est nécessaire. Il est permis également de donner son opinion sur un homme qu'un tiers veut prendre pour gendre, pour associé, pour voisin ou chez lequel il veut laisser quelque chose en dépôt ou autre. La personne consultée ne doit rien cacher de celui ou celle au sujet duquel on l'interroge ; il doit même mettre en évidence ses défauts, avec l'intention de donner de bons conseils. Dans le cas où l'on voit un homme se rendre chez quelqu'un qui commet des innovations blâmables (mubtadi') ou chez un libertin afin d'étudier auprès de lui le fiqh, on se doit alors de le conseiller en révélant les vraies qualités de cet homme, à condition de chercher uniquement à le conseiller, car parfois le conseilleur est poussé par l'envie et le diable lui fait confondre les choses, en lui faisant croire que c'est un conseil alors qu'il n'en est rien.

Le cinquième : il est permis de mentionner les vices ou les innovations de celui qui les affiche ouvertement tel que celui qui boit ouvertement du vin, qui spolie les gens de leurs biens, qui prélève des taxes ou des biens de manière inique, ou encore qui commet un abus de pouvoir. Il est donc permis de mentionner ces vices, sans pourtant en ajouter d'autres qu'il ne dévoile pas, sauf pour une raison évoquée plus haut.

Le sixième : il est permis de nommer quelqu'un par un surnom qui s'avère être un défaut [physique] s'il n'est pas possible de le reconnaître autrement tel le chassieux, le boiteux, le sourd, l'aveugle, celui qui louche ou tout autre défaut. Il est cependant interdit de le nommer ainsi par dérision, et il est préférable, si possible, de le désigner autrement que par un défaut.

Tels sont les six cas cités par les savants, la plupart font état d'unanimité et les preuves sont tirées de hadiths authentiques dont en voici quelques-uns.

 

1531. 'Aisha rapporte : Un homme demanda la permission d'entrer chez le Prophète qui s'écria : « Faites le entrer, quel mauvais frère dans la tribu ! »

Nawawi précise : « Bukhari utilise ce hadith comme argument pour tolérer la médisance des dépravés. »

1532. Selon 'Aisha, le Prophète a dit : Je ne pense pas qu'untel ni untel connaissent quelque chose de notre religion. »

Nawawi précise : « Layth ibn Sa'd, l'un des transmetteurs de ce hadith, a dit : "Ces deux hommes étaient des hypocrites." »

1533. Fatima Bint Qays rapporte : « J'allai trouver le Prophète et lui dis : « Abu Jahm et Mu'awiya m'ont demandée en mariage. » Le Prophète me dit alors : « Concernant Mu'awiya, il n'a pas le moindre sou. Pour ce qui est d'Abu Jahm, il n'ôte jamais le bâton de son épaule. » Une version de Muslim mentionne : « Concernant Abu Jahm, il frappe ses femmes », qui est une explication de l'expression : « Il n'ôte jamais le bâton de son épaule. » Une autre explication a été donnée également : « Il voyage beaucoup. »

Ce qu'il faut retenir :
- Si une personne vient s'informer au sujet d'un homme ou d'une femme, en vue d'un mariage, il est permis, voire obligatoire, de citer ses défauts et qualités et de ne rien omettre ; car la personne va prendre sa décision en fonction des informations et conseils fournis.

1534. Zayd Ibn Arqam rapporte : « Nous fîmes un voyage en compagnie du Prophète au cours duquel les gens étaient soumis à rude épreuve. Abdullah ibn Ubayy [le chef de file des hypocrites] dit alors : « Ne dépensez pas d'argent pour ceux qui se trouvent auprès du Prophète de Dieu jusqu'à ce qu'ils l'abandonnent. » Puis il ajouta : « Si nous revenons à Médine, le plus puissant (de nous deux) en fera sortir le plus vil. » Je me rendis alors chez le Prophète et l'informait de ses propos. Le Prophète envoya quelqu'un chez Abdullah ibn Ubayy afin de lui faire part de la chose mais il jura avec conviction qu'il n'avait rien dit de tout cela. Les gens dirent alors : « Zayd a menti au Prophète . » Je fus profondément peiné de leurs propos, jusqu'à ce que Dieu eut confirmé mes paroles en révélant : - Lorsque les hypocrites viennent à toi... - (Coran 63/1-11) Alors, le Prophète les appela pour accueillir leur repentir [à Dieu] mais ils détournèrent la tête en signe de refus. »

Ce qu'il faut retenir :
- Il est permis de dévoiler les secrets des hypocrites, cela ne tient pas de la médisance. Mais on ne peut se permettre de considérer les gens comme hypocrites sur de simples suspicions. Quiconque se proclame musulman doit être considéré comme tel, et on ne doit énoncer cette suspicion que si son mal peut nuire à la communauté.

1535. 'Aisha rapporte : Hind, épouse d'Abu Sufyan, dit un jour au Prophète : « Abu Sufyan est un homme avare qui ne nous donne pas de quoi subsister, ni à moi ni à mon enfant, sauf si je lui prends ce qui m'est nécessaire à son insu. » Le Prophète lui répondit : « Prends juste ce dont tu as besoin pour toi et ton enfant. »

Ce qu'il faut retenir :
- Lors d'un conflit au sein du couple, il est permis de dévoiler les défauts de son conjoint à un tiers qui pourrait se charger de rétablir leurs relations. En outre, il est pennis à la femme de prendre ce qui lui revient de droit comme bien si son mari ne pourvoit pas suffisamment à ses besoins ou à ceux de leurs enfants.

 

Se Procurer Le Livre Ryad Salihin-Les jardins de la Vertu 13,00 €
 
 
Ryadh Salihin - Le Jardin des Vertueux - Islammedia.free.fr