Son père Saâd, le récitateur, est un Badrite qui prit part à toutes les expéditions, dont sa dernière fut la bataille d'al-Qadisiya. Lors de son allégeance au Prophète , il avait à ses côtés son fils Oumayr. Et depuis que ce dernier avait embrassé l'Islam, il était resté un fervent croyant, un ascète qui recherchait toujours le pardon de Dieu. Oumayr avait une foi inébranlable et une âme pure.
Une fois, alors qu'il assistait à une réunion, il entendit Joulas b. Souwayd dire à propos du Messager : « Si l'homme est véridique, alors nous sommes les pires des ânes. » Il lui dit donc : « Joulas, par Dieu! tu es à moi le plus aimé des gens et je n'aime pas que tu sois touché par quelque chose que tu détestes. Pourtant, tu viens de tenir un propos. Si je dis que c'est toi qui l'as tenu, cela te fera du mal. Si je me tais, j'abimerai ma religion. Mais le droit de la religion a la priorité sur la fidélité : donc, j'informerai le Message de Dieu, sur ce que tu as dit. »
En parlant ainsi, Oumayr attendait un mot de repentir de la part de Joulas, mais ce dernier ne fit rien. Il était trop fier pour exprimer son regret. Alors, Oumayr se retira, en disant : « Je vais dire cela au Messager de Dieu, avant que ne descende une révélation m'associant à ton péché. »
Par la suite, le Messager appela Joulas et lui posa la question. Ce dernier nia tout, en jurant mensongèrement. Mais un verset coranique vint trancher entre le vrai et le faux : Ils jurent par Dieu n'avoir pas dit, et pourtant ils l'ont dit, la parole de dénégation! ils sont devenus dénégateurs après avoir embrassé l'Islam ; ils se sont préoccupés de ce qu'ils n'ont pas pu obtenir; et le seul reproche qu'ils peuvent faire, c'est que Dieu (et son Envoyé) les ait enrichis de sa grâce. Alors, s'ils se repentent, ce sera pour eux un bien; s'ils tournent le dos, Dieu les châtiera d'un châtiment douloureux en ce monde et dans la vie dernière. Ils ne trouveront sur terre ni protecteur ni secourant (Coran 9.74).
Alors Joulas reconnut les faits et demanda pardon pour sa faute. L'action de Oumayr fut bénéfique sur Joulas, puisque ce dernier se repentit et devint un bon musulman. Quant au.Prophète , il tint tendrement Oumayr par l'oreille et lui dit : « Ô garçon, ton oreille a bien entendu et ton seigneur t'a approuvé. »
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Dans le khalifat d'Omar b. al-Khattab, Oumayr b. Saâd assuma pendant quelques temps la fonction du gouverneur de Hims. Quand Omar lui proposa d'abord le poste, il essaya de s'en démettre. Mais, lorsque le khalife l'y obligea, il finit par accepter.
A Hims, il passa une année complète sans envoyer à Médine ni tribut ni missive. Alors, Omar b. al-Khattab le convoqua. Quand Oumayr b. Saâd entra à Médine, il n'avait sur les épaules qu'une besace, une écuelle et une outre d'eau, ainsi qu'une canne à la main. Il alla trouver le khalife Omar et le salua. Celui-ci lui rendit le salut et, étonné, lui dit : « Qu'est-ce qu'il y a, Ô Oumayr ? »
Oumayr dit : « Ce que tu vois. Ne me vois-tu pas en bonne forme, avec un sang pur et avec l'ici-bas que je tire par les deux cornes ? » Omar dit : « Et qu'est-ce que tu apportes avec toi ? » Oumayr dit : « J'apporte avec moi ma besace qui contient mon viatique, mon écuelle dans laquelle je mange, mon bol qui me sert pour les ablutions et le boire, ainsi que ma canne sur laquelle je m'appuie et qui me sert comme moyen de défense... Par Dieu! l'ici-bas n'est qu'un corollaire de mes affaires. »
Omar dit : « Tu es venu à pied ? » Oumayr dit : « Oui. » Omar dit : « N'as-tu pas demandé une monture à quelqu'un ? » Oumayr : « On ne m'a pas proposé et je n'ai pas demandé. » Omar dit : « Et qu'en est de la mission que nous t'avons confiée ? » Oumayr dit : « Lorsque je suis arrivé au pays, j'ai rassemblé les pieux de ses habitants et je leur ai confié la collecte du tribut de leurs biens. Quand ils en faisaient la collecte, je le répartissais dans les rubriques définies. S'il en était resté quelque chose, je te l'aurai envoyé. » Omar dit : « Tu ne nous as rien apporté donc ? » Oumayr dit : « Je n'ai rien apporté. »
Alors, Omar dit à voix haute : « Renouvelez la mission à Oumayr! » Mais Oumayr eut cette réponse célèbre : « Ces jours-là font désormais partie du passé. Je ne traivaillerai plus pour toi, ni pour quelqu'un d'autre après toi. »
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Par la suite, Omar b. al-Khattab ne cessait de dire : « J'aime bien avoir des hommes comme Oumayr, qui m'aident dans les affaires des musulmans. » Quant à Oumayr, il avait laissé les devoirs du responsable musulman définis dans la parole qui suit, alors qu'il était gouverneur de Hims : « L'Islam reste invulnérable tant que l'autorité se renforce, et la force de l'autorité ne résulte pas de l'usage de l'épée et du fouet. Elle résulte du droit qu'on reconnaît et de l'équité qu'on applique. »