Le Sceau des Prophètes

Muhammad, Homme et Prophète (Muhammad : Sceau des prophètes)

Muhammed
Sceau des Prophètes

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La vie de Muhammad

La vie de Muhammed

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Une communauté se construit

 

Comme nous l'avons vu au chapitre précédent, Muhammad était désormais un prophète recevant des révélations de Dieu par l'intermédiaire de l'Ange Gabriel et un messager appelé à transmettre le message divin à l'humanité. Il était parfaitement conscient de l'étendue du changement que son message allait produire dans la vie de la société arabe de l'époque, et dans la vie humaine en général.

Il était également conscient de l'opposition qu'il ne manquerait pas de rencontrer lorsqu'il devrait faire connaître ce message à son peuple. Néanmoins, il crut en la nouvelle religion et déclara sa foi en l'unicité divine, pleinement convaincu qu'il s'agissait de la vraie religion de Dieu.

L'immense difficulté de la tâche qui l'attendait ne le décourageait pas. La virulence de l'opposition qu'il ne manquerait pas de rencontrer ne devait pas l'empêcher de consacrer toute son énergie et tous ses efforts à appeler son peuple à abandonner ses croyances erronées pour le nouveau message que Dieu adressait à l'humanité par son intermédiaire. Dieu lui ordonnait cependant de garder son message secret dans un premier temps et de n'en parler qu'à ceux dont il espérait une réaction positive.

Les premiers adeptes

La première personne à croire en la nouvelle religion fut son épouse Khadîja. Elle le connaissait déjà comme un homme au coeur noble et à la nature droite. Elle savait pertinemment que son époux, qui n'avait jamais sciemment prononcé de parole fausse, n'aurait jamais eu l'idée de se déclarer prophète si telle n'était pas la stricte vérité. Connaissant son honnêteté et sa sincérité exemplaires, elle comprenait qu'il était l'homme que Dieu aurait choisi pour transmettre Son message à l'humanité. Elle affirma donc en toute confiance qu'elle croyait qu'il n'y avait qu'un seul Dieu et que Muhammad était le Messager de Dieu.

L'empressement de Khadîja à embrasser la nouvelle religion était une bénédiction : elle allait apporter au Prophète un soutien indéfectible et le réconforter lorsque, au cours des années à venir, l'opposition à son message se ferait de plus en plus violente et pernicieuse. Quand il sortait pour s'acquitter de ses devoirs de messager, il se trouvait souvent confronté à des insultes, des sarcasmes ou des violences physiques. Il rentrait chez lui triste et abattu, mais elle était toujours là pour l'encourager et le soutenir. Elle faisait de son mieux pour le réconforter, et il retrouvait bientôt son entrain et son optimisme. En réponse à ce soutien sans faille, Gabriel apparut un jour au Prophète pour lui dire de transmettre à Khadîja la salutation de Dieu et de lui annoncer l'heureuse nouvelle qu'elle jouirait au Paradis d'une place spéciale où elle connaîtrait un bonheur absolu. Dans un hadîth authentique, le Prophète a dit : « La meilleure femme là-bas [c'est-à-dire au Paradis] est Marie, fille de 'Imrân, et la meilleure femme ici-bas est Khadîja. »

Le premier converti de sexe masculin fut un garçon de dix ans, 'Alî ibn Abî Tâlib. Il était le cousin du Prophète et avait été élevé chez celui-ci. Quelques années auparavant, en effet, les Quraysh avaient traversé une période difficile. Bien qu'étant le chef de son clan et jouissant d'une position d'honneur à La Mecque, Abu Tâlib n'était pas riche et avait une grande famille. En ces temps difficiles, Muhammad voulut faire un geste pour aider son oncle.

Il alla donc parler à un autre de ses oncles, al-Abbâs ibn Abd al-Muttalib, et lui proposa : « Tu sais que ton frère Abu Tâlib a une grande famille, et les temps sont très durs pour tout le monde. Je propose que nous allions le voir tous les deux pour lui offrir notre aide : tu prendras l'un de ses fils pour l'élever et j'en prendrai un autre, afin de réduire ses charges. » Al-Abbâs accepta et ils allèrent parler à Abu Tâlib pour lui proposer de prendre en charge deux de ses enfants tant que durerait cette période difficile. Abu Tâlib accepta, à condition que son fils aîné, Tâlib, reste avec lui. Le Prophète prit Alî chez lui, et al-Abbâs prit Ja'far. Alî demeura avec le Prophète jusqu'à l'époque où il reçut son message et eut ainsi l'avantage de devenir musulman dans les tout premiers temps. Ja'far devait lui aussi devenir l'un des premiers musulmans.

Le premier homme à embrasser l'islam après le Prophète fut son serviteur, Zayd ibn Hâritha. Il n'est en rien étonnant que Zayd ait embrassé l'islam sans un instant d'hésitation, lorsqu'on se rappelle son histoire avec le Prophète. Quand Zayd avait huit ans, sa mère, Su'dâ bint Tha'laba, l'emmena en voyage pour rendre visite à sa famille. Elle fut attaquée en chemin par un groupe de cavaliers qui s'emparèrent de Zayd et le vendirent ensuite comme esclave dans l'une des foires arabes, celle de Hubbâsha. Zayd fut, semble-t-il, revendu deux ou trois fois avant de se retrouver en Syrie. Quelque temps plus tard, un homme de Quraysh nommé Hakîm ibn Hizâm l'y acheta et l'emmena à La Mecque.

Hakîm, qui était un neveu de Khadîja, ramena aussi plusieurs autres jeunes esclaves. Sa tante étant venue lui rendre visite à son retour, il lui dit : « Tante, regarde ces esclaves et choisis celui que tu veux. » Elle choisit Zayd et le ramena chez elle. Cela se passait alors qu'elle était déjà mariée au Prophète, mais bien avant qu'il ait commencé à recevoir les révélations. Le Prophète apprécia Zayd dès qu'il le vit et demanda à Khadîja de le lui donner : elle accepta volontiers.

Le père de Zayd était très affecté de sa perte et ne pouvait l'oublier car il savait que son fils avait sûrement été vendu comme esclave. Comme c'était la coutume des Arabes, il exprima sa peine dans des vers émouvants : « La question me tourmente, reviendras-tu jamais ? Alors mon plus cher voeu se réaliserait. Le soleil qui se lève me fait souvenir de lui, son souvenir revient lorsque tombe la nuit, lorsque souffle le vent, je pense encore à lui. Bien long est mon chagrin, bien mince est mon espoir. »

Réciter des vers comme ceux-là dans les rassemblements et les foires était le meilleur moyen de faire circuler les informations en Arabie à l'époque. Les voyageurs retenaient les vers et les déclamaient probablement sur la route. Lorsqu'ils fusaient halte quelque part, c'était par la récitation de ces vers que les nouvelles étaient transmises. Il n'est donc pas étonnant que dans son nouveau lieu de résidence à La Mecque, Zayd ait entendu les vers de son père. Il répondit à son message en récitant à son tour des vers où il mentionnait qu'il se trouvait à La Mecque.

Son père ne tarda pas à l'apprendre et décida de partir avec son frère pour chercher Zayd à La Mecque. Quelque temps avant le début de la mission prophétique de Muhammad , Hâritha et Ka'b, fils de Sharâhîl, arrivèrent donc à La Mecque pour y apprendre que Zayd, le fils de Hâritha, se trouvait chez Muhammad. Ils allèrent le voir et lui adressèrent ce fervent plaidoyer : « Tu es le petit-fils de Abd al-Muttalib, l'ancien maître de cette cité ; tu es le fils du grand maître de son peuple. Toi et les tiens, vous êtes les voisins de Dieu dans cette cité bénie. Ta réputation est depuis longtemps faite : tu nourris ceux qui ont faim et aides les nécessiteux. Nous sommes venus te voir au sujet de notre fils, ton esclave, pour te demander de faire preuve de bonté et d'accepter de nous le vendre. »

Muhammad répondit : « Que diriez-vous si je vous faisais une meilleure proposition ? » Ils demandèrent : « Quelle proposition ? » Il dit alors : « Je vais appeler Zayd et lui laisser le choix. S'il choisit de partir avec vous, il le fera. Mais s'il choisit de rester avec moi, eh bien par Dieu, je ne décevrai pas quelqu'un qui me choisit. » Ils répondirent : « Ta proposition est plus que juste. »

Muhammad appela donc Zayd et lui demanda : « Qui sont ces deux hommes ? » Zayd répondit : « Celui-ci est mon père, Hâritha ibn Sharâhîl, et celui là est mon oncle, Ka'b ibn Sharâhîl. » Muhammad lui dit alors : « Je te donne le choix : si tu veux, tu peux partir avec eux, ou si tu veux, tu peux rester avec moi. » Zayd répondit sans hésiter : « Je resterai avec toi. » Cela fut un choc pour les deux hommes. Son père demanda : « Zayd, préfères-tu rester esclave plutôt que de rejoindre tes parents, ton foyer et ta tribu ? » Zayd répondit : « J'ai vu certaines choses avec cet homme, et je ne le quitterai jamais pour aller nulle part. »

À ce moment, Muhammad prit Zayd par la main et ils allèrent ensemble près de la Ka'ba, à l'endroit où les Quraysh avaient l'habitude de se réunir. Là, Muhammad déclara : « Soyez témoins que ce garçon est mon fils : il est mon héritier et je suis son héritier. » C'était la formule officielle d'adoption telle qu'elle était pratiquée alors en Arabie. Le père de Zayd fut satisfait de l'issue de sa mission, car il était certain que Zayd ne subirait aucun mal en compagnie de Muhammad. Après ce jour, Zayd fut connu sous le nom de Zayd ibn Muhammad.

C'est ainsi qu'on continua à l'appeler durant de nombreuses années, jusqu'à l'interdiction de l'adoption quelques années après l'établissement du Prophète à Médine. Ce fut alors que Dieu ordonna aux musulmans d'appeler leurs enfants adoptifs par le nom de leurs propres parents : l'adoption était interdite. Zayd reprit alors son nom, Zayd ibn Hâritha.

Avant le début de la mission prophétique, Zayd avait donc compris que Muhammad était quelqu'un de particulier. Il lui vouait une grande affection, un sentiment partagé par Muhammad, tant avant qu'après le début de sa mission. Deux ou trois ans après la mort de Zayd, le Prophète dit de lui : « C'était l'une des personnes que j'aimais le plus. » Avec les années, Zayd en avait appris assez sur l'intégrité et la bonté de Muhammad pour accepter son message et croire en lui sans hésiter.

Au delà du cercle familial

Ainsi naquit la première famille musulmane : il y avait là un homme et sa femme, un garçon de dix ans et un serviteur adulte, qui tous croyaient au nouveau message proclamant la vérité éternelle de l'unicité divine. La première personne à embrasser l'islam en dehors de la proche famille du Prophète fut son ami Abu Bakr. Il est bien connu que son vrai nom n'était pas Abu Bakr : on reçoit rarement à la naissance un nom commençant par « Abu » ; c'est un surnom que l'on acquiert après la naissance de son premier fils, puisque « Abu » signifie « père de ».

Toutefois, Abu Bakr est tellement connu sous son surnom que l'on ne connaît pas avec certitude son véritable nom. Certains récits suggèrent que son nom était Atîq, d'autres que c'était Abd al-Ka'ba. Selon un récit, sa mère aurait eu avant lui plusieurs enfants, tous morts en bas âge. Elle fit alors voeu que si elle avait un autre fils, elle l'appellerait Abd al-Ka'ba et en ferait le serviteur de la Ka'ba. Lorsque le garçon atteignit un certain âge, on commença à l'appeler Atîq, comme s'il avait été libéré de la mort par ce voeu de sa mère. Plus tard, cependant, le Prophète transforma son nom en Abdullâh parce qu'un musulman ne doit jamais être appelé le serviteur d'un autre que Dieu.

Lorsque le Prophète parla de l'islam à son ami d'enfance, Abu Bakr n'hésita pas un instant : il adhéra immédiatement à la nouvelle religion. L'amitié très proche qui liait les deux hommes suffisait à faire comprendre à Abu Bakr que Muhammad ne disait que la vérité. Un récit avance également que l'une des raisons de sa conversion était que peu de temps auparavant, il avait vu en rêve la lune descendre vers La Mecque et se partager en petits morceaux, chaque morceau allant dans une maison différente ; puis les morceaux s'étaient rassemblés sur ses genoux pour reformer la lune. Il avait parlé de ce rêve à certains chrétiens ou juifs, qui l'avaient interprété en disant qu'il suivrait le Prophète qui apparaîtrait bientôt et serait alors le plus heureux des hommes.

Il n'hésita donc aucunement lorsque le Prophète l'invita à devenir musulman. L'authenticité de ce récit ne peut être prouvée. Une meilleure raison poussait cependant Abu Bakr à devenir musulman sans hésitation. Abu Bakr était en effet l'une des plus éminentes autorités d'Arabie en matière de généalogie. Il connaissait la lignée de chaque personne de sa tribu. C'était là un sujet d'étude très important pour les Arabes puisque, dans leur société tribale, la lignée était un objet de fierté.

Une stricte hiérarchie distinguait les tribus et les clans. Pour préserver leur position relative, l'étude de la généalogie était très importante. Quelqu'un qui maîtrisait ce domaine était une sorte d'historien : il connaissait non seulement la lignée, mais aussi l'histoire des membres de chaque clan et de chaque tribu, ainsi que les points faibles de l'histoire de chacun. Plus tard, lorsque les Quraysh lancèrent une campagne de poésie diffamatoire contre le Prophète et l'islam, les poètes musulmans, et en particulier Hasân ibn Thâbit, eurent tôt fait de répliquer.

Le Prophète dit à Hasân d'aller trouver Abu Bakr pour apprendre les faiblesses et les défauts de chaque clan de Quraysh. Ses connaissances et sa longue amitié avec Muhammad permettaient à Abu Bakr de bien comprendre son caractère. Il savait que Muhammad disait toujours la vérité : il n'y avait donc aucune raison qu'il mente maintenant qu'il parlait d'un rapport à Dieu, le Seigneur et le Créateur. Pour Abu Bakr, l'explication la plus logique était que Muhammad disait vrai. C'est pourquoi il accepta immédiatement lorsque Muhammad l'invita à suivre un message qui devait, disait-il, lui apporter le bonheur ainsi qu'aux Arabes et à l'humanité tout entière.

Abu Bakr comprit vite qu'il ne suffisait pas que lui-même devienne musulman. Puisque Dieu avait envoyé un nouveau message et un messager pour le transmettre à l'humanité, il fallait que les gens en entendent parler et apprennent que Dieu voulait qu'ils croient à ce message. Il commença donc à parler à certaines personnes qu'il connaissait bien. Abu Bakr était très respecté dans sa communauté. C'était un marchand, bien connu pour sa bonté et sa douceur. Les gens aimaient venir l'écouter parler de l'histoire des tribus arabes et des Arabes en général.

En outre, il était généreux envers tout le monde. C'est pourquoi des personnes de tous les âges venaient le voir et fréquentaient sa maison. Il lui était donc facile de choisir les plus intelligents et les plus prometteurs des jeunes gens qui venaient chez lui, pour leur expliquer le message de l'islam et les inviter à croire en Dieu et Son messager.

Abu Bakr se rendait compte qu'une nouvelle religion a besoin de partisans. Après sa conversion, il commença à parler à des gens qu'il considérait comme intelligents et éclairés, leur expliquant l'essence du nouveau message de l'islam. Il ne tarda pas à obtenir des réactions favorables. Le premier à embrasser l'islam suite aux efforts d'Abû Bakr fut 'Uthmân ibn Affân, qui appartenait, au sein de Quraysh, au clan des Umayyades.

Quatre autres devaient suivre peu après : az-Zubayr ibn al-'Awwâm, qui était le neveu de Khadîja, Abd ar-Rahmân ibn Awf, Sa'd ibn Abî Waqqâs et Talha ibn 'Ubaydallâh. Quand tous les cinq eurent embrassé l'islam, Abu Bakr les emmena ensemble voir le Prophète et ils déclarèrent devant lui qu'ils croyaient en l'unicité de Dieu et au message de Son Prophète, Muhammad ibn 'Abdullâh. Ces cinq hommes, ainsi qu'Abû Bakr, faisaient partie des dix auxquels le Prophète devait annoncer, vers la fin de sa vie bénie, que leur place au Paradis était assurée.

Les quatre autres étaient son cousin Alî qui fut, nous l'avons dit, le premier musulman de sexe masculin après le Prophète, 'Umar qui embrassa l'Islam plusieurs années plus tard, Abu 'Ubayda Âmir ibn al-Jarrâh et Sa'îd ibn Zayd. Ces deux derniers étaient devenus musulmans dès les tout premiers temps de l'islam. Abu 'Ubayda devait plus tard être surnommé par le Prophète « l'homme de confiance » de la nation musulmane. Sa'îd était le fils de Zayd ibn Amr ibn Nufâ, dont nous avons dit précédemment qu'il avait voyagé à la recherche de la vérité et suivait la religion d'Abraham.

Nous avons mentionné également que le Prophète a dit que le Jour du Jugement, Zayd serait « ressuscité comme une nation à lui tout seul ». Son fils Sa'îd fut parmi les premières personnes à adhérer à l'islam à ses débuts. D'autres suivirent, comme Abu Salama, Abdullâh ibn Abd al-Asad, al-Arqam ibn Abî al-Arqam, 'Uthmân ibn Maz un et ses deux frères Qudâma et Abdullâh, 'Ubayda ibn al-Hârith, Asma et Aïsha, les deux filles d'Abû Bakr, Khabbâb ibn al-Aratt, 'Umayr ibn Abî Waqqâs, le frère de Sa'd, Abdullâh ibn Mas'ûd et Mas'ûd ibn al-Qârî.

Les biographes du Prophète citent encore, parmi les personnes qui embrassèrent l'islam durant cette période de ses débuts, Salît ibn Amr, Ayyâsh ibn Abî Rabî'a et sa femme Asma bint Salama, Khulays ibn Hudhâfa, Amir ibn Abî Rabî'a, Abdullâh et Abu Ahmad les deux fils de Jahsh ibn Dhi'âb, Ja'far ibn Abî Tâlib et son épouse Asma bint 'Umays, Hâtib ibn al-Hârith et ses frères Khattâb et Mu'ammâr ainsi que les femmes des deux premiers, as-Sâ'ib ibn 'Uthmân ibn Maz'un, Amir ibn Fuhayra un serviteur d'Abû Bakr, Khâlid ibn Sa'îd et sa femme Âmina bint Khalaf, Hârib ibn Amr, Abu Hudhayfa Mahsham ibn 'Utba, Wâqid ibn Abdullâh, Khâlid ibn al-Bakîr ibn Abd Yâlîl et ses trois frères Amir, Aqîl et Iyâs, Ammâr ibn Yâsir et Suhayb ibn Sinân.

Cela fait en tout une quarantaine de personnes qui embrassèrent l'islam durant la période de trois ans où le Prophète prêchait son message en secret. Cependant, l'envergure de ces premiers venus à l'islam compensait leur petit nombre. La plupart de ces gens possédaient des qualités de commandement et de vision qui les distinguaient et donnaient à la nouvelle prédication plus de force que ne le suggère le seul nombre de ses partisans.

Lorsqu'on examine de près qui étaient ces premiers musulmans, on s'aperçoit que beaucoup étaient très jeunes - beaucoup n'avaient pas vingt ans. Un message nouveau, appelant à un bouleversement radical de l'ordre social, attire souvent des jeunes que la vision d'une vie meilleure motive fortement à oeuvrer pour leur foi. Parmi ces tout jeunes gens figuraient az-Zubayr ibn al-'Awwâm, Sa'd ibn Abî Waqqâs, Talha ibn 'Ubaydallâh, Abd ar-Rahmân ibn Awf, al-Arqam, Abdullâh ibn Mas ud et Sa'îd ibn Zayd.

Mais il serait faux de penser que l'idéalisme de la jeunesse était le seul motif poussant ces gens à devenir musulmans. L'islam a un message simple qui parle directement à l'esprit humain et satisfait pleinement la nature humaine. La plupart de ces jeunes gens étaient d'excellent caractère.

Abdullâh ibn Mas'ûd entendit parler de l'islam en gardant ses moutons, car il était berger. Le Prophète et Abu Bakr le virent alors qu'ils se rendaient à un endroit à quelque distance de La Mecque. Comme ils avaient soif, le Prophète demanda à Abdullâh ibn Mas'ûd : « As-tu du lait ? » Abdullâh répondit : « Oui, mais cela m'a été confié. » Le Prophète lui demanda : « As-tu une brebis qui ne s'est pas encore accouplée ? » Abdullâh apporta une brebis dont les pis n'étaient pas encore apparents. Le Prophète frotta l'emplacement du pis qui bientôt se gonfla de lait. Abdullâh apporta une pierre en forme de bol. Le Prophète se mit à traire la brebis : il donna du lait à Abu Bakr et Abdullâh, puis but lui-même. Il dit alors au pis : « Reprends ta forme », ce qui se produisit.

Voyant cela, Abdullâh s'étonna et posa des questions. Le Prophète lui parla de l'islam, et il y adhéra. Voici son récit : « Je dis : "Envoyé de Dieu, apprends-moi." Il passa la main sur ma tête et dit : "Que Dieu te bénisse, tu es instruit." Plus tard, j'allai retrouver le Prophète et comme nous étions en sa compagnie, sur le mont Hirâ, la sourate intitulée al-Mursalât lui fut révélée et je l'appris pendant qu'il la récitait pour la première fois. J'appris vingt sourates directement de lui au fil des années. Le reste du Coran, je l'appris de certains de ses Compagnons. »

D'autres n'étaient pas si jeunes, comme 'Uthmân ibn Affân et Abu 'Ubayda, qui approchaient la trentaine. Ces hommes étaient généralement dotés d'un caractère tempéré et d'un esprit sain. 'Uthmân ibn Maz'ûn, par exemple, avait sans doute une trentaine d'années lorsqu'il devint musulman. Avant l'islam, il avait déclaré que jamais il ne consommerait de boissons enivrantes. Les boissons alcoolisées faisaient partie intégrante de la vie sociale mecquoise, mais son jugement lucide le conduisait à penser qu'une boisson qui altérait la capacité de raisonner correctement et de former des jugements justes ne convenait pas à un homme qui se respectait lui-même.

Quelques autres de ces premiers musulmans étaient un peu plus âgés. Le meilleur exemple en est Abu Bakr, qui avait deux ans de moins que le Prophète . Il s'agissait surtout de gens qui connaissaient bien le Prophète : ils connaissaient son intégrité et sa noblesse de caractère, et étaient donc absolument certains qu'il disait la vérité. Leur adhésion à son message était la conséquence logique de cette conviction. Un fait à souligner quant à la composition de cette éminente communauté, est que ces premiers musulmans n'appartenaient pas tous au même clan, à la même tribu ni à la même catégorie sociale. Ils venaient de toutes les couches de la société mecquoise de l'époque.

Ils comprenaient des personnages de haut rang estimés par leur communauté, comme 'Uthmân et Abu 'Ubayda. Mais il se trouvait aussi parmi eux d'anciens esclaves, comme Suhayb, qui n'était probablement même pas arabe. Certains étaient même encore en esclavage. En tant que musulmans, ils jouissaient tous néanmoins d'une égalité et d'une fraternité si réelles qu'elles l'emportaient sur tous les liens de sang. Ainsi l'universalité de l'islam était-elle établie et pratiquée dès les premiers temps.

Ces premiers musulmans formèrent le noyau de la communauté de croyants qui devait bientôt fonder la plus noble société que l'humanité eût jamais connue au cours de sa longue histoire. Leur quartier général était la maison de l'un d'eux, al-Arqam, qui occupait une position centrale près de la colline appelée as-Safâ. Ce lieu devint la première école de l'Islam, où les adeptes de la nouvelle religion étaient instruits par le Prophète lui-même des principes de leur foi.

La maison d'al-Arqam jouait le rôle d'une mosquée, d'une école et d'un lieu de réunion où la nouvelle communauté discutait de ses affaires. Le Prophète y passait un temps considérable à s'occuper de ses Compagnons, à les instruire et à les guider dans leur nouvelle mission. C'est déjà durant cette période que les musulmans reçurent de Dieu l'ordre de pratiquer la prière. L'Ange Gabriel enseigna au Prophète Muhammad la manière de prier qui devait devenir le signe distinctif de tous les musulmans.

Les récits divergent quant au nombre et à la longueur des prières que les musulmans devaient accomplir à cette époque. Il est certain, en tout état de cause, qu'on n'accomplissait pas cinq prières par jour. Il est probable qu'il n'y avait que deux prières, l'une le matin et l'autre à la fin de la journée. Le nombre allait augmenter plus tard. Nous possédons un récit d'un homme appelé Afîf al-Kindî, un ami d'al-Abbâs ibn Abd al-Muftalib, l'oncle du Prophète. Al-Abbâs lui rendait visite au Yémen lors de ses voyages commerciaux, et Afîf, lui aussi, rendait visite à al-Abbâs à La Mecque.

Voici ce qu'il relate : "Tandis que j'étais chez al-Abbâs à Mina, un homme respectable arriva, effectua ses ablutions et se leva pour prier. Une femme le suivit, effectua ses ablutions et se joignit à sa prière. Puis un garçon proche de l'adolescence effectua à son tour ses ablutions et se mit debout à côté de l'homme pour prier. Je demandai : « Abbâs, qu'est-ce que cette religion ? » Il répondit : « C'est la foi de Muhammad ibn Abdullâh, mon neveu, qui affirme que Dieu l'a envoyé comme messager. Ce garçon est mon neveu, Alî ibn Abî Tâlib, qui l'a suivi dans sa foi, et cette femme est son épouse Khadîja qui croit elle aussi en sa religion. Bien des années plus tard, Afîf, devenu lui aussi un musulman convaincu, dit : « J'aimerais avoir été le quatrième de ce petit groupe. »"