Le Sceau des Prophètes

Muhammad, Homme et Prophète (Muhammad : Sceau des prophètes)

Muhammed
Sceau des Prophètes

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La vie de Muhammad

La vie de Muhammed

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La mort du Prophète

 

Lors de son grand sermon le jour de 'Arafat, pendant le pèlerinage, le Prophète avait récité aux musulmans le troisième verset de la sourate 5, « La Table », qui dit : « Aujourd'hui, J'ai amené votre religion à son point de perfection ; Je vous ai accordé Ma grâce tout entière et J'ai agréé l'islam pour vous comme religion ». Ce verset fut le dernier à être révélé. Un ou deux compagnons du Prophète, particulièrement perspicaces, comprirent que cette révélation annonçait la fin de la mission du Prophète. Ils étaient conscients en effet qu'une fois la perfection atteinte, l'imperfection ne tarde pas à s'infiltrer. Personne ne pouvait toutefois imaginer que le Prophète allait bientôt mourir.

Mais le Prophète était un être humain, ne différant des autres que par le fait que Dieu l'avait choisi pour transmettre Son message à l'humanité. Le message transmis, son rôle était terminé. À la fin du mois de safar, le second du calendrier musulman, de la onzième année de l'hégire, le Prophète demanda à Abu Muwayhiba, l'un de ses serviteurs, de l'accompagner une nuit au cimetière de Médine connu sous le nom de Baqi al-Gharqad. Là, il implora Dieu de pardonner à ceux qui étaient enterrés dans le cimetière car ils avaient servi l'islam de leur vivant. Cet acte montrait l'amour et la compassion du Prophète pour ceux qui reconnaissaient la véracité de l'islam et en faisaient le principe directeur de leur vie.

La Maladie du Prophète

Un matin, le Prophète trouva son épouse Aïsha se plaignant d'un mal de tête, mais il lui dit qu'il avait lui aussi très mal à la tête. Comme à son habitude, il rendit visite à toutes ses épouses ce jour-là, mais il était souffrant. Il se sentait de plus en plus malade, et arrivé chez Maymûna il était trop faible pour poursuivre ses visites. Il demanda donc à ses épouses la permission d'être soigné chez Aïsha : toutes y consentirent. Ce détail montre l'exceptionnel degré d'équité que le Prophète s'attachait à respecter dans son traitement de ses épouses.

Ayant obtenu leur permission de rester chez Aïsha, il s'y rendit soutenu par deux de ses cousins. La maladie du Prophète continua à empirer. Il devint fiévreux, et demanda qu'on lui prépare un bain froid. Il dit à ses proches : « Versez-moi sept récipients d'eau puisée à plusieurs puits. » 'Aisha a relaté qu'on le fit asseoir dans une bassine appartenant à Hafsa, une autre de ses épouses, et qu'on lui versa de l'eau dessus jusqu'à ce qu'il demande d'arrêter. Se sentant alors moins fiévreux, il demanda à son cousin, al-Fadl ibn al-Abbâs, de lui donner la main et de le conduire à la mosquée. Il s'assit sur la chaire, la tête bandée, puis il lui demanda d'appeler les fidèles.

Ceux-ci vinrent écouter l'homme qui leur avait montré la voie à suivre dans toutes les situations auxquelles ils avaient été confrontés. Dans son sermon, il souligna que l'injustice n'est en aucune façon acceptable en islam.
Il formula ce message de la manière la plus claire :

Louange à Dieu, en dehors de qui il n'existe aucune divinité. Si j'ai jamais frappé le dos de l'un de vous, qu'il vienne me frapper le dos. Si j'ai jamais insulté quelqu'un, qu'il vienne m'insulter. Il n'est pas dans ma nature de chercher querelle, et cela ne me plaît pas. Celui d'entre vous qui m'est le plus cher est celui qui a un droit sur moi et le réclame. En faisant cela, il me libère et je pourrai rencontrer Dieu sans que personne n'ait le moindre grief contre moi.

Nous possédons d'autres récits relatifs à ce sermon et à d'autres prononcés par le Prophète au cours de sa maladie : leur authenticité n'est pas parfaitement établie. Leur sens est toutefois conforme aux priorités du Prophète, qui tenait toujours à souligner que la justice est la principale caractéristique de la société musulmane. Le Prophète resta chez lui tandis que sa santé se détériorait peu à peu. Les rares fois où il se sentait un peu mieux, il sortait jusqu'à la mosquée pour regarder la communauté qu'il avait forgée et les gens qu'il aimait.

Abu Sa'îd al-Khudrî, le compagnon du Prophète, a relaté qu'un jour, le Prophète s'assit en chaire et dit :
« Un serviteur de Dieu a reçu le choix de prendre ce qu'il voudrait de ce monde ou d'être avec Dieu : il a fait le second choix. » Abu Bakr, en larmes, dit : « Nous donnerions nos parents pour toi, Messager de Dieu. » Les fidèles s'étonnèrent d'entendre Abu Bakr, alors un vieillard, faire une telle remarque alors que le Prophète parlait simplement du choix fait par un serviteur de Dieu. Abu Bakr, lui, avait compris que le Prophète parlait de lui-même lorsqu'il évoquait ce serviteur de Dieu à qui ce choix avait été proposé.

Le Prophète dit ensuite : « Celui qui m'a le plus gratifié de sa compagnie et de ses biens est Abu Bakr. Si je devais choisir un ami privilégié, ce serait Abu Bakr. Mais c'est une fraternité dans la foi qui nous lie, jusqu'à ce que Dieu nous réunisse auprès de Lui. »

Ces courts moments où le Prophète se sentait mieux donnaient à penser à ses compagnons que sa maladie ne serait que passagère. Ils étaient certains qu'il reprendrait bientôt la lutte pour la cause de Dieu et continuerait à veiller sur la communauté musulmane. Un jour, son cousin et gendre Alî ibn Abî Tâlib lui rendit visite. Quand il sortit, les gens lui demandèrent comment le Prophète allait ce matin-là et il répondit : « Je crois qu'il est guéri, Dieu soit loué. »

Son oncle, al-Abbâs, le prit à part et lui dit : « Ne te rends-tu pas compte ? Dans trois jours, ce sera fini. Je sens que le Messager de Dieu va bientôt mourir de sa maladie. J'ai vu des hommes de la famille de Abd al-Muttalib quand ils étaient sur le point de mourir. Je voudrais que tu ailles demander au Messager de Dieu qui aura l'autorité après sa mort. Ainsi si c'est l'un de nous, nous le saurons, et si c'est quelqu'un d'un autre clan, le Prophète pourra nous recommander à lui. » Alî dit à son oncle, qui était aussi l'oncle du Prophète : « Si nous demandions cela au Prophète et qu'il nous refusait l'autorité après lui, les gens ne nous la confieraient jamais par la suite. Par Dieu, jamais je ne demanderai cela au Prophète. »

Il était clair qu'al-Abbâs parlait de l'autorité politique. Ce dernier était certain que le Prophète était sur son lit de mort. Ayant vu un certain nombre de ses proches lors de leurs derniers moments, il se rendait compte que le Prophète était dans le même état. Étant l'homme le plus âgé et le plus distingué du clan hachémite auquel le Prophète appartenait, il voulait savoir qui prendrait le commandement après le Prophète. Il était naturel que al-Abbâs s'adresse pour cela à Alî : ce dernier avait été le premier hachémite à embrasser l'islam ; c'était en outre un homme doté de grandes qualités, aimé de tous, proche du Prophète et un grand serviteur de la cause de l'islam. Il était le candidat naturel au commandement parmi les Hachémites en cas de décès du Prophète. Cependant, Alî ne voulait pas poser cette question au Prophète afin que la nation musulmane puisse faire son choix librement.

L'attente de l'inévitable

L'atmosphère était sombre à Médine durant ces derniers jours du mois de safar et ces premiers jours de rabî' al-awwal de la onzième année de l'hégire. Le Prophète était malade et sa santé ne montrait aucun signe d'amélioration. A cela s'ajoutait l'élément d'attente, puisqu'une armée musulmane se mobilisait au même moment pour affronter l'empire byzantin. Chaque musulman de Médine aimait le Prophète plus que ses propres enfants ou que lui-même. C'est ce degré d'amour que la foi requiert des croyants. Il était donc extrêmement pénible pour tous les fidèles de le voir souffrir et être malade.

Son mal empirait. Il souffrait beaucoup, et ceux qui l'entouraient étaient très tristes de le voir ainsi. Sa seule fille encore vivante, Fâtima, en était très peinée. À une certaine occasion, elle s'exclama : « Comme mon père est malade et souffre ! » Le Prophète, qui l'avait entendue, dit : « Ton père ne souffrira plus après ce jour. » L'armée mobilisée pour l'expédition contre les Byzantins retarda son départ en raison de la maladie du Prophète . Apprenant que son état ne s'améliorait pas, Usâma, le commandant de l'armée, et un certain nombre de ses soldats se rendirent à son chevet. Quand ils purent entrer dans sa chambre, ils le trouvèrent incapable de parler.

Usâma devait dire plus tard que le Prophète avait levé la main au ciel et l'avait posée sur lui, de sorte qu'il avait compris que le Prophète priait pour lui. Le Prophète continua néanmoins à sortir jusqu'à la mosquée et à s'adresser aux fidèles à chaque fois qu'il en avait la force. Un jour, il s'assit en chaire, la tête bandée, entouré des fidèles. Ses premières paroles furent pour bénir les combattants morts à la bataille d'Uhud, qui avait vu la première défaite militaire subie par les musulmans. Il pria longuement pour eux et implora le pardon de Dieu pour eux.

Il ordonna ensuite qu'on ferme toutes les portes qui ouvraient directement des habitations des fidèles sur la mosquée, à l'exception de la porte ouvrant de l'habitation d'Abû Bakr. La raison de cette exception était qu'Abû Bakr était son compagnon le plus proche et celui qui avait tout donné au service de l'islam et au service du Prophète. À une autre occasion, il fit l'éloge des ansâr et recommanda aux muhâjirûn de veiller sur eux. Il ajouta que le nombre des ansâr n'augmenterait pas comme augmente une population et dit : « Ils ont été mes partisans dévoués, qui m'ont donné refuge et offert leur soutien. Soyez bons envers ceux d'entre eux qui font le bien et pardonnez à ceux qui commettent des erreurs. »

Il semble que le Prophète perdait parfois connaissance à cause de sa maladie. Un jour, un certain nombre de femmes, dont plusieurs de ses épouses, se trouvaient chez lui ainsi que son oncle al-Abbâs. Après avoir discuté de son état, on décida de lui administrer un remède. Quand le Prophète reprit connaissance, il demanda qui lui avait fait cela. On lui répondit que son oncle lui avait donné un remède qu'on avait rapporté d'Abyssinie. Comme il demandait pourquoi, al-Abbâs répondit qu'ils craignaient qu'il ne soit atteint de pleurésie.

Il répondit : « C'est une maladie que Dieu ne m'infligerait pas. » Le Prophète continua à diriger la prière des fidèles malgré sa maladie. Toutefois, lorsque son mal empira, il ne put plus continuer. Il ordonna donc qu'Abû Bakr dirige la prière. Aïsha, l'épouse du Prophète et la fille d'Abû Bakr, n'aimait pas que son père se charge de cette tâche. Elle craignait que les gens n'associent la direction de la prière par Abu Bakr à la maladie du Prophète. Elle dit au Prophète : « Abu Bakr est un homme tendre. Cela lui sera peut-être trop pénible d'occuper ta place. » Le Prophète insista : « Dites à Abu Bakr de diriger les prières ! »

Aïsha réitéra son objection, suscitant la colère du Prophète . Il lui dit : « Vous, les femmes, vous êtes comme les compagnes de Joseph [une allusion à la ruse employée par des femmes aux dépens de Joseph]. Qu'Abû Bakr dirige les prières. » Abu Bakr dirigea la prière dix-sept fois, c'est-à-dire trois jours et demi. Il s'agissait des jours où le Prophète était très malade. Selon un récit authentique, il dit : « Je souffre autant que deux d'entre vous ensemble. »

Malgré la gravité de son état, le Prophète gardait cependant un esprit alerte ; il n'avait rien perdu de ses facultés et continuait à s'efforcer d'ancrer profondément les principes essentiels de l'islam dans le coeur des fidèles. Il ne cessait de leur rappeler les principes fondamentaux de son message. La pire crainte qu'avait le Prophète pour sa communauté était que les gens ne se mettent à vénérer indûment des personnes, des tombes ou autre chose, comme l'avaient fait et le font encore les adeptes d'autres religions. Il voulait que sa nation conserve toujours sa foi profonde en l'unicité divine et n'adore que Dieu Seul.

Même à l'agonie, il continua à mettre les musulmans en garde contre ce danger. Âïsha et Ibn Abbâs ont relaté : « Durant sa maladie, le Messager de Dieu se couvrait le visage d'un vêtement. S'il avait du mal à respirer, il l'enlevait. Un jour, il dit : "Maudits soient les juifs et les chrétiens pour avoir fait des tombes de leurs prophètes des lieux de culte." » C'était un avertissement clair à l'intention des musulmans, afin qu'ils ne transforment aucune tombe en sanctuaire à vénérer.

Le Prophète mettait aussi continuellement les gens en garde contre un autre mal : suivre ses passions et considérer les autres avec mépris. Ceux qui suivent leurs passions négligent leurs prières, et ceux qui considèrent les autres avec mépris se comportent mal envers leurs serviteurs, leurs employés ou leurs esclaves. Une nation qui se laisse aller à de tels maux n'est pas digne de vivre et ne peut apporter aucune contribution positive à la vie. Elle ne peut qu'être négligée par Dieu en punition de ses fautes, ce qui lui vaudra l'humiliation dans ce monde et la souffrance dans l'au-delà. Craignant que sa communauté ne connaisse de tels maux, le Prophète ne cessait de la mettre en garde.

Sur son lit de mort, il continua à attirer l'attention des musulmans sur les principaux aspects du bon comportement. Anas ibn Mâlik a relaté que sur son lit de mort, le Prophète continua à souligner l'importance des prières et du bon comportement envers les esclaves. D'autres récits le confirment, soulignant que le Prophète ne cessait de conseiller aux musulmans : « Soyez assidus dans vos prières, soyez assidus dans vos prières. N'imposez pas à ceux que votre main droite possède [vos esclaves] plus qu'ils ne peuvent supporter. Craignez Dieu dans votre comportement envers les femmes. »

Le Prophète tenait parfois à assister aux prières en commun et à voir les fidèles célébrer le culte. Il sortait alors de chez lui pour les rejoindre. Ibn Abbâs a relaté qu'un matin, le Prophète sortit pour la prière de l'aube alors qu'Abû Bakr avait déjà commencé à diriger la prière. Abu Bakr voulut laisser sa place au Prophète et regagner les rangs des fidèles. Le Prophète lui fit toutefois signe de rester à sa place. Il s'assit à la gauche d'Abû Bakr et prit sa suite pour diriger la prière, reprenant la récitation là où Abu Bakr s'était interrompu. De ce fait, le Prophète dirigeait la prière d'Abû Bakr tandis que ce dernier continuait à diriger la prière en commun.

Dieu voulait, semble-t-il, rassurer Son messager en lui montrant que sa communauté croyait très fermement au message de l'islam. Il lui permit d'assister à la prière de l'aube le lundi où il devait mourir. Comme les fidèles étaient en rangs, absorbés dans leur prière et qu'Abû Bakr récitait le Coran de sa voix mélodieuse, le Prophète sortit de la chambre de Aïsha pour les regarder. Quand ils le virent apparaître, ils furent très heureux. Ils commencèrent à s'écarter pour le laisser passer. Il leur fit cependant signe de rester où ils étaient.

Il était si heureux de les regarder prier. Anas ibn Mâlik a relaté : « Jamais je n'ai vu le Messager de Dieu aussi rayonnant qu'à ce moment-là. » L'apparition du Prophète lors de cette prière donna aux musulmans la fausse impression qu'il allait beaucoup mieux. Ils pensèrent qu'il allait se rétablir complètement. Cela se produisit le lundi 12 du mois de rabi al-awwal de la onzième année de l'hégire. Réconfortés par cet espoir, les fidèles se dispersèrent pour vaquer à leurs occupations.

Même Abu Bakr demanda et obtint la permission du Prophète de rendre visite aux membres de sa famille qui vivaient aux alentours de Médine. Toutefois, ces espoirs étaient vains et devaient bientôt être dissipés. Aïsha a relaté :

Ce jour où le Messager de Dieu entra à la mosquée, il revint et se coucha, la tête sur mes genoux. Un homme de la maison d'Abû Bakr [la famille de Aïsha] entra avec à la main un miswâk vert [un bâtonnet utilisé par les Arabes pour se frotter les dents]. Le Messager de Dieu le regarda et je compris qu'il voulait ce miswâk. Je lui demandai s'il voulait que je le lui donne et il répondit que oui. Je le pris et le mâchai un peu pour le ramollir avant de le donner au Prophète. Il se nettoya les dents avec très fort, comme jamais je ne l'avais vu le faire auparavant. Puis il le posa. Je sentis sa tête s'alourdir sur mes genoux. Je regardai son visage et je remarquai qu'il fixait son regard. Il dit d'une voix faible : « La Compagnie la plus élevée. »

Je dis : « Par Celui qui t'a envoyé apporter la Vérité, on t'a donné un choix et tu as fait ton choix. » Alors, le Messager de Dieu rendit l'âme. Selon un autre récit, Aïsha dit également : « Le Messager de Dieu est mort la tête entre ma poitrine et mon cou, durant ma journée [c'est-à-dire le jour où c'était son tour de le recevoir, puisque le Prophète passait habituellement un jour chez chacune de ses épouses à tour de rôle]. Je n'ai lésé personne en cela. »

La terrible nouvelle

La tragique nouvelle se répandit bientôt. Les fidèles étaient atterrés. Ils eurent l'impression que toute la ville de Médine était engloutie dans les ténèbres. Ils étaient comme de jeunes enfants ayant perdu leurs parents. Ils ne savaient que faire. Malgré les différentes allusions faites par le Prophète à sa mort prochaine et le fait que cette éventualité était clairement évoquée dans le Coran, le perdre était, pour ses compagnons, quelque chose qu'ils ne pouvaient pas concevoir ni imaginer.

Il avait vécu parmi eux, plus cher à leur coeur que leur propre personne. Il était le soleil de leur vie. Sa mort signifiait qu'il leur faudrait désormais vivre dans l'obscurité totale. Le départ du Prophète de leur vie entraînerait un vide qu'ils ne pourraient jamais combler. C'était un événement qu'ils ne pouvaient concevoir ni comprendre. Certains étaient incapables de bouger, d'autres de prononcer un mot ; d'autres encore prononçaient des paroles auxquelles ils ne pouvaient pas avoir réfléchi.

'Umar ibn al-Khattab lui-même, dont les opinions avaient été plus d'une fois confirmées par le Coran, fut incapable d'exercer son jugement correctement. Il se leva pour s'adresser aux gens en disant : « Certains hypocrites prétendent que le Messager de Dieu est mort. Le Messager de Dieu n'est pas mort. Il a rejoint son Seigneur comme Moïse l'a fait avant lui, quand il est resté quarante jours loin de son peuple. Puis il est revenu, après que les gens avaient dit qu'il était mort. Je jure que le Messager de Dieu reviendra et coupera les mains et les pieds à ceux qui prétendent qu'il est mort. »

Tandis que 'Umar parlait ainsi, Abu Bakr arriva, ayant été appelé lorsque le tragique événement s'était produit. Il ne fit attention à rien de ce qui se passait autour de lui, entrant d'abord dans la chambre de sa fille Aïsha, l'épouse du Prophète. Le Prophète se trouvait dans la pièce, recouvert d'un vêtement yéménite. Abu Bakr alla droit vers lui, lui découvrit le visage, s'agenouilla et l'embrassa en disant : « Toi pour qui je donnerais mon père et ma mère, la seule mort que Dieu a décrétée pour toi, tu l'as maintenant connue. Tu ne mourras plus jamais. »

Il couvrit le visage du Prophète et sortit rejoindre 'Umar qui était encore en train de parler aux gens. Abu Bakr lui dit : « Écoute-moi. » Mais 'Umar continua à parler. Abu Bakr commença donc lui aussi à s'adresser aux gens. Quand ils se rendirent compte que c'était Abu Bakr, les gens s'écartèrent de 'Umar pour venir l'écouter. Abu Bakr commença par louer Dieu et Le remercier pour Ses bienfaits. Puis il dit : « O gens, si certains d'entre vous adoraient Muhammad, eh bien Muhammad est mort. Quant à ceux qui adoraient Dieu, eh bien Dieu est Vivant et ne meurt pas. »

Puis il récita un verset du Coran que l'on peut traduire ainsi : « Muhammad n´est qu´un messager - des messagers avant lui sont passés - S´il mourait, donc, ou s´il était tué, retourneriez-vous sur vos talons? Quiconque retourne sur ses talons ne nuira en rien à Allah; et Allah récompensera bientôt les reconnaissants. » (3.144) Quand les gens entendirent Abu Bakr réciter ce verset du Coran, il leur sembla qu'ils ne l'avaient jamais entendu auparavant. Ils l'avaient pourtant entendu à maintes reprises et se mirent à le répéter après lui.

'Umar a relaté : « Quand j'entendis Abu Bakr réciter ce verset, je fus accablé et désorienté. Je tombai à terre, incapable de tenir sur mes jambes. Je compris alors que le Messager de Dieu était mort. »

Il fallait aussi s'attendre à ce qu'Abû Bakr, le premier homme qui avait embrassé l'islam et le plus proche compagnon du Prophète, soit celui qui rappellerait à la communauté musulmane le fait élémentaire que le Prophète n'était qu'un être humain ordinaire qui devrait un jour mourir comme tout être humain. Il fallait ensuite préparer le corps du Prophète pour l'enterrement. Son corps devait être lavé, comme celui de tout défunt.

Cette tâche revint à Alî ibn Abî Tâlib, le cousin du Prophète, et aux deux fils d'al-Abbâs, al-Fadl et Qutham, ainsi qu'à Usâma ibn Zayd et à Shaqrân, le serviteur du Prophète. Aws ibn Khawlî, un homme des ansâr, demanda à Alî de lui permettre d'être présent également. Alî souleva le corps du Prophète en l'appuyant contre sa poitrine et al-Abbâs et ses deux fils l'aidèrent à retourner le corps, Usâma et Shaqrân versant l'eau tandis que Alî le lavait.

'Aïsha a relaté que lorsqu'ils s'apprêtaient à laver le corps du Prophète , ils n'étaient pas certains s'il convenait de le déshabiller ou de le laver avec ses vêtements. Ils débattaient de ce point quand ils furent envahis par le sommeil. Tous s'assirent et s'endormirent. Ils entendirent alors une voix leur dire de laver le corps du Prophète avec ses vêtements, et ce fut donc ainsi qu'ils procédèrent. Ils versèrent l'eau par-dessus son vêtement et lui frottèrent le corps avec le vêtement, sans passer leurs mains dessous.

Quand ils eurent fini de le laver, ils l'enveloppèrent dans trois pièces de tissu. Le lieu où le Prophète allait être inhumé fit l'objet de plusieurs propositions. Certains suggérèrent qu'on l'enterre dans sa mosquée. D'autres proposèrent qu'on l'enterre à côté de ses compagnons. Abu Bakr répondit cependant qu'il avait entendu le Prophète dire : « Chaque prophète doit être enterré à l'endroit où il est mort. » Cela résolut la question : on enleva le lit où le Prophète était mort et on creusa sa tombe à son emplacement. Il fut enterré le mercredi soir, dans la chambre de Aïsha. C'est là que se trouve toujours sa tombe.

Une fois enveloppé pour être inhumé, le corps du Prophète fut posé sur son lit. Abu Bakr et 'Umar entrèrent dans la pièce et dirent : « La paix soit sur toi, Messager de Dieu, ainsi que la miséricorde et la bénédiction de Dieu. » Un certain nombre des muhâjirûn et des ansâr entrèrent avec eux, autant que la pièce pouvait en contenir. Ils prononcèrent les mêmes salutations et se tinrent en rangs pour accomplir la prière funéraire. Personne ne dirigea la prière. Abu Bakr et 'Umar se tinrent toutefois au premier rang, juste à côté du Prophète.

Ils dirent : Seigneur, nous sommes témoins qu'il nous a transmis ce qui lui a été révélé, a conseillé sincèrement sa communauté et a lutté pour la cause de Dieu jusqu'à ce que Dieu fasse triompher Sa religion par son intermédiaire, que les paroles de Dieu soient complètes et que les gens croient en Lui Seul, sans associé. Seigneur, place-nous parmi ceux qui suivent la parole qui lui a été révélée ; joins-nous à lui afin qu'il nous reconnaisse et que Tu nous fasses connaître de lui. Il était plein de compassion et de bienveillance envers les croyants.

Quand ils eurent terminé, ils quittèrent la pièce pour permettre à un autre groupe de musulmans d'entrer et d'accomplir la prière funéraire pour le Prophète . Ce groupe fut suivi par d'autres, autant que la pièce pouvait en contenir. Quand tous les hommes eurent accompli leur prière, les femmes entrèrent par groupes pour en faire autant, suivies à leur tour par des groupes d'enfants. Il n'y eut cependant pas de prière en commun pour le défunt. Chacun priait individuellement. Cela prit toute la journée du mardi et le Prophète fut enterré le mercredi.

Ainsi s'acheva la vie du Prophète . Son message reste cependant vivant. Il restera intact jusqu'à la fin des temps, car Dieu a garanti qu'il serait préservé dans sa forme originelle. Puisse Dieu récompenser le Prophète Muhammad, Son dernier Messager, et le combler de paix et de bienfaits.